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29 June, 2009

Preah Vihear, le conflit au regard de l’Histoire.

Preah Vihear, le conflit au regard de l’Histoire.
Mardi, 23 Juin 2009

English Version

À la lecture de la presse anglophone de Bangkok, on est fréquemment surpris d’un manque patent de neutralité quant à l’affaire du temple de Préah Vihear.

Le parti de la Thaïlande y est pris sans nuance et l’on va jusqu’à affirmer que les Cambodgiens seraient les véritables fauteurs de troubles, tout comme les premiers à tirer… Le souci de vérité tout comme l’amitié que j’ai pour le Cambodge me forcent ici à tenter de clarifier quelques points d’histoire concernant les rapports entre les deux pays.

Provenant de Chine méridionale, c’est vers la fin du IXe siècle que ceux qui allaient devenir les Siamois, puis les Thais, commencent à s’établir sur les marches septentrionales de l’empire khmer, au nord de la chaîne des Dangreks.Ils se renforcent progressivement jusqu’à devenir le Royaume Thaï d’Ayuthaya qui saccagera Angkor à deux reprises en 1351 et 1431, déportant chaque fois une grande partie de la population khmère et imposant sa suzeraineté sur le Cambodge, dont il annexera au fil du temps des provinces entières.

« Atlantide en sursis », avalé au Nord Ouest par le Siam et à l’Est par le Vietnam, le Cambodge allait tout bonnement disparaître. Conscient de cela, le roi Ang Duong sollicita en 1853 l'intervention de la France de Napoléon III. Mis au courant, les Siamois firent échouer ce traité d'alliance et c’est le fils d’Ang Duong, le Roi Norodom, qui signera finalement en 1863 ce traité de Protectorat avec la France.

L’influence des Anglais était forte sur le Siam, mais l’accord franco-britannique du 14 juillet 1884, avait reconnu comme « zone française » le bassin du Mékong, ce qui n’empêcha pas les Siamois de couper ledit bassin et de s’avancer à travers le Laos. Ces empiètements répétés conduisirent, en juillet 1893, une flottille française à remonter le Ménam jusqu’à Bangkok. La France fit alors le blocus des côtes, ce qui obligea la cour du Siam à renoncer à toute revendication sur la rive gauche du Mékong tandis que nous gardions en otage les provinces de Chantaboun et de Paknam. Des troupes de la marine occupèrent ces régions jusqu’à la Convention de 1904 qui rendait au Cambodge la province côtière de Koh Kong ainsi que celle de Steung Treng, assorties des régions de Melou Preï et Tonle Repou, territoires cédés par le Siam au Laos et réintégrés au Cambodge par la France.

Cette Convention de 1904 conduisit au Traité de 1907, où, contre retour au Siam des provinces de Trat, Chantaboun et du territoire de Dan Sai dans l’actuelle province de Loei, le Roi Chulalongkorn (Rama V) abandonnait à la France, qui les rétrocédait au Cambodge, les provinces de Battambang, de Sisophon et de Siem Reap.
Lorsque le Roi Sisowath pu finalement se rendre à Angkor reprendre possession de ces terres indubitablement khmères il déclara que c’était là « la plus grande gloire de son règne ».

Mais les Siamois ne renoncèrent jamais, profitant de la défaite française face à l’Allemagne lors de la seconde guerre mondiale, ils violent immédiatement le pacte de non-agression signé avec la France le 12 juin 1940.

Le Premier ministre thaïlandais Phibun organise alors une série de manifestations nationalistes et anti-françaises à Bangkok, puis des escarmouches frontalières se succèdent le long du Mékong. L’aviation thaïlandaise, supérieure en nombre, bombarde de jour Vientiane, Sisophon, et Battambang en toute impunité. Les forces aériennes françaises tentent des raids en représailles, mais les dégâts causés sont bien moindres. En décembre 1940, la Thaïlande occupe Pak-Lay et le Bassac.

Début janvier 1941, Bangkok lance une offensive sur le Laos et le Cambodge. La résistance franco-indochinoise est en place, mais la plupart des unités sont surpassées par les forces thaïlandaises, mieux équipées (20 chars côté français, 134 côté siamois). Les Thaïlandais occupent rapidement le Laos, alors qu’au Cambodge la résistance française est meilleure.

Le 16 janvier, la France lance une large contre-offensive menée par le 5e REI (Régiment Etranger d’Infanterie) sur les villages de Yang Dang Khum et de Phum Préav, où se déroulent les plus féroces combats de la guerre. La contre-attaque est bloquée et s’achève par une retraite, mais les Thaïlandais ne peuvent poursuivre les forces françaises, leurs blindés ayant été cloués au sol par les canons anti-char français (qui, faute de moyens adéquats, avaient été tractés sur place par des bœufs). Alors que la situation à terre est critique pour la France, l’amiral Decoux donne le feu vert pour exécuter une opération contre la marine thaïlandaise. L'ordre est donné aux navires de guerre disponibles d’attaquer dans le golfe de Thaïlande. Au matin du 17 janvier 1941, le « groupe occasionnel » attaque les navires thaïlandais à Koh Chang. Bien que la flotte ennemie la surclasse largement en nombre, l'opération de la marine française, s'achève par une victoire complète. À l'issue du combat, une bonne partie de la flotte de guerre thaïlandaise est détruite. Mais, le 24 janvier, la bataille aérienne finale a lieu lorsque l’aéroport de Siem Reap est atteint par un raid des bombardiers thaïlandais.

Le Japon intervient rapidement dans le conflit au profit des Thaïs, impose un armistice, puis un traité de paix, le 9 mai, par lequel la France abandonne les provinces cambodgiennes de Battambang et Siem Reap, ainsi que les provinces laotiennes de Champassak et Sayaburi, soit un territoire de plus de 50 000 km2 habité par 420 000 personnes.

Les territoires annexés au Cambodge ne seront restitués par la Thaïlande, sous pression internationale (traité de Washington), qu'en novembre 1947.

Mais dès 1953, alors que le Cambodge accède à peine à l’indépendance, des troupes thaïes investissent Préah Vihear, en chassent les fonctionnaires khmers et hissent leur drapeau national. Neuf ans plus tard, en 1962, l’habileté consommée du prince Sihanouk permit d’obtenir une décision internationale de justice et les Thaïs durent faire marche arrière, mais le répit allait être de courte durée, la guerre arrivait et Préah Vihear y serait engouffré.

Passons sur les occupations successives du site par les armées en conflit, la reddition des dernières troupes de Lon Nol aux Khmers rouges en mai 1975, le pire moment de son histoire fut un effroyable holocauste orchestré il y a trente ans par l’armée thaïlandaise elle-même !

Peu après la défaite des Khmers rouges en 1979, la Thaïlande fut submergée de réfugiés cambodgiens et pour démontrer au monde qu’elle ne pouvait seule sans argent gérer ce phénomène, elle planifia une atroce mise en scène. Au matin du vendredi 8 juin 1979, 110 bus se rangèrent devant le camp de Nong Chan qui abritait des dizaines de milliers de réfugiés cambodgiens. On leur déclara qu’ils allaient être transférés dans un camp plus à même de les recevoir et tous ces survivants du génocide Khmer rouge furent renvoyés en enfer…

Fort éloigné de Nong Chan, le site de Préah Vihear avait été choisi à dessein, on se vengeait de la perte du temple en 1962. Une falaise abrupte couverte de jungle, des mines par milliers, l’issue ne faisait pas de doute…

Comprenant ce qui allait se passer, les malheureux réfugiés durent être sortis des bus sous la menace des armes. Des scènes horribles eurent lieu : arrivés de nuit, bus après bus, les Cambodgiens furent poussés comme du bétail entre deux rangées de militaires sur un étroit chemin, non sans avoir été dépouillé de tout l’argent qu’ils possédaient. Les militaires maniaient leurs armes comme des bâtons et tiraient sur ceux qui refusaient de descendre le chemin. Terrorisés à l’idée de sauter sur les mines innombrables (posées par les Khmers rouges quatre ans auparavant), les réfugiés tentaient par tous les moyens de rester sur le chemin, mais plus haut, on poussait sans cesse de nouveaux malheureux et les gens étaient finalement forcés de marcher dans le champ de mines. Il fallut trois jours aux survivants pour traverser cette étendue de mort, de soif et de faim au milieu des cadavres en putréfaction et des blessés se tordant de douleur. On estime à quarante-cinq mille le nombre de Cambodgiens ainsi expulsés. Pendant plusieurs jours, ils furent convoyés en enfer par une noria de bus, mais il est impossible d’estimer le nombre des victimes, les Khmers rouges n’ont pas tenu de registre…

On ignore trop cette affreuse page d’histoire pour ne retenir que cette « Amazing Thailand » des brochures touristiques. Les torts des Thaïs à l’encontre des Khmers doivent être rappelés, non pour dresser à nouveau les peuples les uns contre les autres, mais pour que justice soit enfin rendue.

Les Cambodgiens n’agressent personne, ils sont trop conscients du déséquilibre des forces en présence, il n’y a de leur part que du courage et de la détermination à défendre leur pays, mais la Thaïlande a trop de problèmes intérieurs pour ne pas tenter d’exploiter le mythe de l’Union Sacrée contre la barbarie du voisin, les morts du passé n’y changeront rien.

Cette tragédie est malheureusement loin d’un heureux dénouement, les Américains détestent trop Hun Sen pour raisonner leurs partenaires thaïs, et quant aux Français, il est peu probable qu’ils enverront une fois de plus des canonnières devant Bangkok…

Pierre-Yves Clais
Ancien Casque Bleu au Cambodge (1992)

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